LE BALLET DES BALEINES

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Devant le village d’Akunâq – 68°42’ 560’’N – 52°19’842’’W,

Aujourd’hui mon carnet de pensées devient un livre de bord, c’est normal à bord d’un bateau, c’est la journée du ballet des baleines. Il fait très beau, tellement beau que l’on pourrait se croire aux Antilles, mais avec beaucoup de degrés en moins…Dés le petit déjeuner avalé, Patrick et Laurent partent en Kayak à la rencontre des baleines, nous les rejoignons avec « Vagabond ». Je suis dans le poste de pilotage en compagnie d’Eric, soudain à quelques mètres devant nous une baleine à bosse fait un saut spectaculaire hors de l’eau. Cette masse énorme, quelques mètres au-dessus de la mer, c’est presque incroyable ! Bien sûr je n’ai pas réussi à saisir mon appareil photo, ce sera pour le plaisir des yeux. Toute la journée, elles restent dans la baie, elles font parfois des cabrioles, viennent souffler et inspirer de l’air en surface avant de replonger en nous montrant leurs belles caudales. Grâce au kayak, Patrick et Laurent peuvent les approcher de très près mais elles semblent beaucoup plus craintives qu’en Antarctique, c’est vrai qu’ici elles sont chassées… Le lendemain, j’ai l’occasion d’aller avec Laurent en kayak pour les photographier de près, même de très très près. Les sons sont impressionnants, je n’aurais jamais côtoyé une baleine d’aussi près.

Joël

 La journée aux 100 baleines

Nous quittons Aasiaat après avoir effectué un ravitaillement du « Vagabond », nous prenons alors le cap sur la route des baleines. A peine 2 miles nautiques de navigation effectué et nous voilà déjà à croiser nos premières baleines ainsi qu’une meute de phoque du Groenland qui fuit, tout en nous regardant, devant l’étrave du bateau. Les baleines rencontrées sont des rorquals communs de belle taille qui fendent la surface avec des geysers d’eau pulvérisés à plus de 10 m de hauteur. Je refais un voyage de 30 ans en arrière et mes yeux d’enfant s’ouvrent. Nous décidons alors de nous mettre à l’eau mais l’interaction n’est pas un succès. Sans attendre, nous reprenons notre route vers le sud, afin de rejoindre les fjords jouxtant le petit village de pêcheur Akunâq. Tout au long du voyage, nous croisons sans cesse des dos de baleines soufflant et des caudales sondant vers les abysses. En arrivant au mouillage pour la nuit, j’appelle ce moment « la journée aux 100 baleines ». Au petit matin, nous levons les yeux, avec en fond le fjord, des lumières douces et ambrées du soleil levant. Déjà le souffle des baleines en déplacement nous caresse les oreilles. Cela va être une journée fantastique…

Aussitôt dit aussitôt fait, nous enfilons nos combinaisons dans l’eau à 4C°, et oui c’est l’été, elle est chaude !

Laurent et moi allons tenter une approche en douceur afin de voir les grands cétacés qui tournoient à proximité. Ce sont de majestueuses baleines à bosse qui viennent se nourrir dans une fosse de 116m de profondeur devant laquelle « Vagabond » est mouillé. Embarqués sur un kayak pour rendre nos approches plus mobiles, nous prenons d’abord le temps :

– d’observer la danse magnifique de ces énormes demoiselles qui lancent parfois leur corps au dessus de la surface dans des tourbillons de folie, leurs salutations de la queue avant de sonder dans les profondeurs.

– d’écouter leur respiration, leur souffle expiratoire provoquant un énorme geyser et surtout leur longue inspiration avant d’entamer leurs apnées. Nous avons la chance d’assister à ce spectacle, à quelques mètres d’elles, presque à les toucher. Dans nos approches, les baleines restent fuyantes, je les comprends. Je ne veux nullement les perturber, juste les croiser un instant afin de réaliser mes rêves d’enfant. Je les remercie de m’avoir laissé les approcher…

Patrick

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L’inspiration de la baleine

Nous voilà arrivés dans une petite baie abritée face au village Akunâq : 113 habitants et 113 pêcheurs. Nous avons repéré cette anse sur la carte grâce aux multiples témoignages que nous avons recueillis. En effet, nous nous ne sommes pas trompés. Cette option est la bonne et les nombreuses baleines farandolent devant nous. Aux premières approches, les cétacés sont fuyants. Elles ont peur, effrayées sans doute par le bruit du moteur ou tout simplement par la menace que nous représentons pour elles.

Il faut réfléchir, trouver une autre technique…

Le soir en discutant, Eric nous propose son arme secrète, son Kayak « Nautiraid ».

Le lendemain, avec Patrick, nous nous levons vers 7h. Eric nous aide à mettre son kayak à l’eau.

La mer est calme, le vent nul. Assis sur notre petit navire très stable, nous glissons…Le bruit de l’eau nous éveille peu à peu, le soleil chauffe notre visage, c’est agréable…

Au loin, les premiers souffles transpercent la surface pour atteindre environ 3 m de hauteur. Ils s’achèvent par un petit arc en ciel comme la touche finale d’une toile de maitre. Aujourd’hui, baignant dans cette mer d’huile, nous sommes au cœur de ce tableau. Quelques secondes plus tard, le son du souffle des baleines, comme un coup de tonnerre, nous envahit. Nous sommes avec Patrick déterminés à nous approcher de l’animal convoité, le plus discrètement possible, en silence, comme des chasseurs Inuits. Les baleines sondent à plus de 100 m, elles nous quittent et nous laissent dans un calme profond. Leurs apnées durent entre 7 et 14 min. Nous imaginons alors leurs déplacements le long de cette faille abrupte. Peut-être se nourrissent-elles de plancton, peut-être virevoltent-elles le long de cette paroi grâce à leurs pectorales. Ce temps d’attente nous permet d’observer avec attention le rythme de vie de la baleine. En surface, sa forte expiration nous fait sursauter, souvent surpris de la voir sortir à 3m de nous. Ensuite, elle inspire et nous entendons cet air s’engouffrer à l’intérieur de leurs poumons gigantesques. Ce son, aussi fort que puissant, nous montre la dimension de l’animal. Quelques coups de rames, doucement, nous approchons de ses nageoires pectorales blanchâtres, dans cette eau turbide (car riche en phytoplancton). Nous ne l’effrayons pas, Patrick me place juste devant, les palmes au pied, je glisse du kayak avec mon caisson photo pour immortaliser ce moment.

La baleine se cabre, surprise de ce face à face inattendu. Nous nous regardons le temps de quelques secondes puis elle s’écarte et plonge dans les abysses. Patrick et moi sommes fous de joie. Nous venons de vivre un moment fort en écoutant l’inspiration de la baleine. Une inspiration plus forte que les autres…en quelque sorte la même que nous prenons avant de nous immerger en apnée.

Quel moment…

 Ce matin, nous avons plongé sur un spot de coralline. Eric, chargé de mission, doit en extraire pour l’étudier. Il vous racontera cela plus en détail dans les prochains jours. Entre l’île et le village d’Aasiaat, toute la journée, des rorquals et des baleines à bosses chassent…c’est dingue d’être au cœur de la vie sauvage.

Nous avons mis le cap vers le Nunavut et traversons actuellement la mer de Baffin. Un rorqual nous salue alors que nous sommes à table.

Laurent

Ps: Kévin lui aussi s’est levé tôt. Il vous réserve une belle surprise dès que nous arrivons au village de Qikiqtarjuaq.

Ps: Au total en 2 jours, nous avons avec Patrick passé plus de 15 heures sur le Kayak. Ce qui représente environ un peu plus de 6 heures dans l’eau.

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