Le respect d’une parole

Aujourd’hui, retrouvez les récits de Laurent et Joël Marie, suite à leur expédition mi-février au Nunavut.

« L’Âme Bleue est engagée maintenant depuis la fin 2012 au service de l’éducation des jeunes générations. L’association a su s’adapter à tous, en diversifiant ses supports pédagogiques, son discours pour les enfants des maternelles, des écoles primaires, des collègues jusqu’aux adultes. Nous souhaitons faire partager la beauté de ce monde, élever les consciences et les réflexions sur la protection de notre planète.

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L’Âme Bleue avait aussi un engagement auprès des enfants du village de Qiqiktarjuaq : revenir l’hiver pour plonger. Je m’y étais personnellement engagé et c’est important pour moi de tenir mes paroles. Seul c’était mission impossible, alors les autres membres de l’association comme Cédric m’ont beaucoup aidé, Florent, Jacques et mon père m’ont également prêté main-forte. Pour nous rendre dans l’école du village, nous devions nous présenter à la police locale et obtenir une autorisation. Elle devait faire des recherches par Interpol pour vérifier que nous n’étions pas recherchés pour des problèmes liés aux enfants.

En partant l’été dernier avec Éric, j’avais rencontré un professeur pour lui remettre le dossier pédagogique qu’Isabelle Willaim avait travaillé avec ses élèves en anglais. Ce travail consiste à présenter un animal de préférence marin, en lien direct avec une histoire personnelle et familiale. Il s’agit d’un travail remarquable. Ce professeur Inuit s’était, devant Éric et moi, engagé à le présenter aux élèves pour qu’un échange puisse se faire. J’espérais beaucoup de ce partage et je n’étais pas le seul. Des enfants, une enseignante en France attentaient de moi d’être le passeur.

Malheureusement il n’y aura pas de retour, en revoyant ce professeur lors de notre voyage le mois dernier, il ne me regarda pas dans les yeux, son regard se dirigea vers le bas. J’ai compris dans la seconde… Je ne ramènerai rien aux enfants du collège Kerhallet de Brest et j’en suis désolé. Il s’agit pour moi de l’échec de cette aventure.

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Je ne dois pas me morfondre, nous devons faire cette présentation aux enfants, ils nous attendent. Pour l’occasion, Stevie ouvre le débat, il parle en Inuktitut et à part ses gestes, nous ne comprenons pas grand-chose à son long discours. C’est l’un des grands plongeurs du village. Il plonge depuis des années pour ramasser des clams. Tous ces plongeurs ont une lourde expérience derrière eux. Avec Éric, nous profitons de leur savoir. Il parlera de notre projet et Cédric présentera « l’apnée ».

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Nous passons un maximum de photos d’enfants. À chaque photographie, ils chantent le nom de leur camarade. C’est inattendu et tellement drôle. Cela rythme cette diffusion par des petites mélodies improvisées. Cette chanson en dit longue sur l’amour qu’ils portent pour leurs amis. J’adore… Nous rions. Ensuite, nous diffusons un extrait vidéo de nos images de cet été. Des baleines, des ours, la plongée des enfants. J’observe et tente de comprendre leurs expressions. J’ai l’impression qu’ils voient d’un autre regard leur territoire. Peut-être que certains enfants ne sont jamais allés à Home Bay et qu’ils découvrent ce lieu pour la première fois. Ils ont une fascination pour le règne animal, c’est impressionnant.

Je me souviens qu’enfant j’adorais comprendre et connaître la vie de tous les animaux dans « Okapi » qui était ma revue fétiche. Cela doit les surprendre. Car les plongeurs du village s’immergent pour se nourrir. Nous, nous le faisons pour le plaisir, pour la beauté et ils n’y sont pas insensibles, bien au contraire. Chacun fait l’effort de se comprendre. Derrière cela, il y a de la tolérance, du respect et beaucoup de compréhension. C’est cela peut-être l’échange, comprendre l’autre sans le juger, le laisser entreprendre, observer son cheminement pour voir la finalité.

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Les enfants sont heureux, nous aussi, même s’ils ne posent pas beaucoup de questions. Nous ne pouvons pas connaître l’impact d’une présentation, nous acceptons et avançons. Leurs sourires et leurs rires nous nourrissent. C’est notre oxygène pour continuer nos efforts dans cet environnement qui fatigue profondément les organismes. C’est promis, nous tenterons de les faire plonger sous la glace. Pour cela, nous avons besoin de matériel. Nous ferons le nécessaire avec l’équipe pour y arriver. Nous nous sommes engagés, nous respecterons notre parole. Nous ne perdons pas de temps, nous partons préparer la présentation dans la municipalité pour tous les villageois. »
Laurent Marie

 

« Après, un court repas sur le pouce, nous allons à l’école où nous sommes accueillis par la directrice. Le papier sésame qui nous permet d’intervenir dans l’établissement est donné, nous pouvons pénétrer dans les locaux. La salle est installée et les chaises sont mises en place. Un premier groupe d’enfants s’installe. Ce sont les plus jeunes qui vont avoir la primeur de l’évènement. Stevie, le conseiller d’éducation, vient faire une présentation, un discours à la « Castro » interminable, puis c’est au tour de Laurent de présenter l’équipe. La projection commence par un diaporama de photos prises au cours de l’été dernier. Chaque photo d’enfant est accompagnée par le prénom scandé en cœur par les jeunes spectateurs. Puis ce sont les projections de vidéos. Les regards sont scotchés vers l’écran et, des « Oh », « ah » fusent lorsqu’ils voient Nanuk l’ours, les baleines et les orques. La seconde séance concerne les plus grands, ils sont très attentifs et ont droit au discours du conseiller. Ils expriment leurs désirs de venir plonger pendant le week­end, l’enthousiasme des candidats est intact, ils sont prêts à renouveler l’expérience de cet été même si les conditions climatiques sont hivernales. »
Joël Marie