Bonheurs partagés

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Bonheurs partagés
Nous sommes arrivés depuis deux jours dans un tout petit village de chasseurs. Cerclés par des fjords vertigineux, nous restons sans voix en contemplant ces montagnes minérales, enneigées sur le sommet. Cette neige semble refroidir la roche incandescente rouge orangée que le soleil du matin et du soir embrase par ses rayons.
Ce matin nous souhaitons initier à l’apnée « Jaypootie » et sa grande famille, amis proches d’Eric. Nous sommes dimanche et « Jaypootie » ne va pas à la chasse aux narvals et aux phoques.
Lors de notre première rencontre, je pressens quelque chose ; j’en parle d’ailleurs à Patrick. Et je sais, sans savoir pourquoi, que le futur de notre aventure dépendra de lui.
Nous profitons de leurs présences pour partager un moment commun.
Tout d’abord, nous parlons des Narvals, de la chasse et de cet environnement incroyable qui nous entoure.
Ensuite nous sortons les combinaisons…. Les Inuits observent beaucoup, ils apprennent en regardant. Les parents de « Jaypootie », sa femme, ses enfants et ses neveux viennent tous observer la scène.
Nous commençons par Jay. Il n’aime pas trop se faire assister et prend son temps. Il s’imprègne du milieu car c’est la première fois qu’il plonge. Calme, silencieux, je l’entends respirer dans peu d’eau. Il se déplace doucement. De temps en temps, quand c’est trop pour lui, il sort la tête pour se raccrocher au monde terrestre. Mais le temps passe et il reste de plus en plus longtemps, demande les palmes d’Eric pour partir explorer sa baie. C’est un homme indépendant, un leader, et souhaite faire sa propre expérience.
C’est le tour des enfants, nous gardons un œil sur « Jay » qui a l’air de s’épanouir. Nous les équipons un à un. Ils sont motivés et déterminés comme tous les enfants que nous avons rencontrés jusqu’à présent. Ils vont vite à l’eau et découvrent les merveilles de la mer de Baffin. L’eau est très claire mais elle se trouble parfois en surface car un ruisseau coule des jours heureux dans cette anse.
Cela fait 4 heures que nous sommes dans la mer. Nous avons les mains, les pieds gelés mais les enfants s’amusent avec leur père pour notre plus grand plaisir. Avec Patrick, nous les surveillons du bord. Nous prenons du recul… La famille de « Jay » s’approprie notre passion, cela leur plait et nous les laissons partager ce moment en famille. Pour toute l’équipe, c’est une grande réussite, une belle récompense.
Plus tard, il nous invite à manger du phoque….
Nous discutons avec Jay toute l’après-midi sur la terrasse. Il nous raconte sa vie, les histoires de ses chasses, de ses pêches.
Kathy ramasse de la bruyère pour faire du thé. Cela lui donne une saveur particulière, le goût de cette terre.
Après notre repas, les étoiles scintillent, la voie lactée transperce le ciel, des voiles verts au reflet violet apparaissent. La paysage s’illumine, la lune jaillit de la montagne, elle éclaire sur le miroir de la mer les reflets des aurores boréales.
Une journée de partage où la nature, comme la bruyère, donne un goût fort à la vie.
Laurent

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Un dimanche pas comme les autres
Dans cette petite baie où viennent séjourner les chasseurs (68°54’130’’N – 67°55’841’’W), il parait que c’est dimanche. Bon, je perds la notion du temps, et cela n’a pas beaucoup d’importance. Sur la rive, trois cabanes en planches sont disposées face à l’eau et sont bien abritées par les montagnes environnantes. Des tentes sont disséminées dans de petits abris rocheux.
De bonne heure ce matin, deux, voir trois canoës équipés de puissants moteurs sont partis chasser dans les fjords avoisinants. Ici le bien précieux, c’est l’essence, et il en faut pour se déplacer… Sur la grève, des fûts et des bidons sont regroupés, deux chiens gambadent autour des carcasses de phoques et de narvals tués la veille.
Pendant que l’équipe rencontre la famille inuit, je vais dans la montagne environnante au risque de rencontrer un ours, car ils rodent dans les parages, attirés par les odeurs des viandes qui sèchent.
Sur le haut d’un promontoire, tout près de la neige, la vue est magnifique : des ruisseaux se forment et dévalent la pente à travers une végétation rase, très colorée. La température est de trois degrés, mais le soleil donne une douce sensation de chaleur. Il y a de nombreux lacs autour de moi.
Dans la petite baie, j’aperçois « Vagabond » notre bateau, petite tâche rouge dans ce décor. Patrick et Laurent initient la famille à l’apnée. La plupart d’entre eux découvrent et participent, sous les yeux du grand père âgé de 81 ans, un homme bon pied, bon œil, qui a beaucoup d’humour.
Ici quand c’est l’heure du repas, il suffit de sortir de la cabane, muni d’un couteau et de prélever la viande sur la carcasse d’un phoque ; les morceaux favoris étant les yeux et le foie. D’ailleurs, je suis invité à partager leur repas et je mange pour la première fois du foie de phoque ; c’est très bon pour ceux qui aiment le foie. Les apnéistes n’arrêtent pas de répondre à la demande. Après plusieurs heures passées dans l’eau, il est temps de stopper. La journée va se terminer par la photo de famille toute réunie : au milieu les grands parents, entourés de leurs enfants et de leurs petits enfants, un beau tableau sur lequel va figurer plusieurs générations.
Alors que je retourne à bord, Kevin part dans la montagne pour enregistrer du son, avec Eric équipé d’un fusil au cas où l’ours aurait des idées de repas bien précises…
Joël

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Ilutalik, là où il y a une maison
Je rêvais de revenir ici en été. La dernière fois, avec un collègue scientifique et Jaypootie, nous mesurions la banquise dans la région, en motoneige. Nous avions dormi dans la cabane de son père, Joannassie, qui a vécu la majeure partie de sa vie ici. Les narvals se rassemblent tous les étés dans le fjord voisin. Alors quand Laurent m’a parlé de ses projets, j’avais ma petite idée derrière la tête…
Emotion de tous les retrouver ici, chez eux. Après l’avalanche du mois de mai, les sorties pêche, chasse ou science, les liens sont forts (www.vagabond.fr). Joannassie, Jaypootie, et leurs proches, ont accueilli chaleureusement l’équipe de Laurent. Jay a accepté de bon cœur les caméras et les questions : « I’m gonna be famous! ».
J’étais heureux, ensuite, de voir Jay plonger avec ma combinaison (même si j’aurais bien plongé avec lui !) alors que, début juillet, c’est lui qui tenait la corde lorsque je cherchais de la coralline sous la banquise (algue qui permet d’étudier le climat de l’océan sur plusieurs siècles).
Journée magnifique et mémorable. Quel cadeau de voir presque toute la famille dans l’eau !
Riches des nombreux conseils de nos amis, nous poursuivons notre approche des narvals…
Eric

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