26 février : traversée mouvementée

LE DRAKE:
Position 64°S-63°W

Du Cap-Horn à la péninsule Antarctique notre traversée représente 500 miles dont 215 miles en 24 heures soit une moyenne de 9 nœuds avec des surfs à 11 nœuds.

Le Drake, c’est la rencontre de l’océan Atlantique et Pacifique. Les conditions peuvent être très difficiles. Les plus hautes vagues enregistrées mesurent 30m de haut. Nous avons rencontré des creux de 4 à 5 m maximum.
Cette traversée a été compliquée voire très complexe pour l’ensemble de l’équipage.
Le premier quart a été le mien et celui de Joël. Dans une mer bien démontée, nous passons le Cap Horn, la lumière tombe, le bateau gite et le vent souffle fort. Nous nous engouffrons vers une nuit noire et pleine d’incertitude.
Nos premiers instants de liberté et de solitude sont vite accompagnés par le mal de mer… Accroché au winch du bateau, nous rendons notre dernier repas. C’est le début d’un long cap qui rendra malade plus d’un des membres de notre fière équipe.

La fin du premier quart a sonné, nous réveillons Tangui et Olivier pour prendre le second. Les deux valeureux équipiers s’équipent rapidement. Tangui tient bon, se révèle, vaillant, il tient le cap avec une grande détermination. Il est insensible à la houle, un vrai marin.
Jacques et Jérôme prennent leur quart également. Cette houle, ce vent auront raison de tout l’équipage.

Jean-Yves gère tout sur le bateau, météo, cuisine, route… Il trouve Tangui pour le seconder.
Quand l’équipage dort pour récupérer, ils sont là pour nous conduire vers notre péninsule.
De temps à autre, l’un de nous se lève pour manger ou pour boire un peu, histoire de reprendre des forces. Olivier reprend du poil de la bête, il sera d’un grand soutient pour la suite de la traversée.

De mon côté tout est difficile, jusqu’à boire même un seul verre d’eau qui tourne 3 milles fois dans mon ventre avant que je le recrache.
Je suis déshydraté et je n’arrive à rien avaler. Je rêve de coca avec de la glace pilée ou d’un Perrier tranche au bord d’une terrasse ensoleillée…
Je suis prisonnier de mon corps malade qui ne peut plus boire ni manger. Le temps passe lentement ….3 jours quand nous n’avons que le temps d’attendre c’est long…. J’entends des bruits sourds, des grondements, des claquements dus à la voile, aux bouts, au vent, des vagues et aux paquets de mer qui passent au dessus du navire. J’espère que personne ne tombe à l’eau. Je ne peux plus rien gérer, il faut des fois savoir s’en remettre à notre destinée !
Souvent, je pense aux baleines qui nagent et s’alimentent de krills, aux phoques léopards et à toutes les classes qui nous suivent tout cela me permet d’espérer arriver bien vite !

Laurent

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Plus tard Joël nous racontera « j’ai découvert pendant ces quarts de nuit, la sensation de solitude dans un océan qui « joue » avec toi, avec le bateau et tu luttes et tu luttes… Moment à la fois sublime et angoissant. Il faut avoir confiance en son bateau pour passer ces vagues parfois scélérates. Les bruits de l’eau sur la coque sont amplifiées par la structure aluminium du bateau. Le vent piaule dans les haubans. Tu sais qu’à des milles de distance qu’il n’y a rien d’autre qu’Eole et Neptune qui se chargent de toi et tu n’as qu’a espérer qu’ils seront clément pour que tu puisses! arriver en Antarctique.Le Drake c’est vraiment quelque chose de fort!