Premier récit : à la pêche aux algues

« Voici le récit de notre première excursion sur la glace….

Nous croisons des pêcheurs d’algues sur le chemin du bateau. Dans la banquise, épaisse d’environ 70 cm, ces pêcheurs font un trou. Nous nous situons face à une presqu’île, pas loin d’une petite baie où hiverne « Vagabond ».

Un groupe d’Inuits plongent une longue tige de bois. Au bout une croix, des clous, espérant lors de la rotation de la tige, remonter des « sea weed », une algue longue et fine, jaune et brunâtre que les Inuits raffolent. Ils cuisinent ces algues pour accompagner le ragout de phoque par exemple, cela donne du goût, il paraît que c’est merveilleux.

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Nous goutons cette algue tout juste sortie de l’eau gelée. C’est croquant, iodé, cela rafraichi mais c’est quand même très fort. Leur technique est rudimentaire mais elle permet certainement de préserver la ressource pour toute la communauté.

Avec toute l’équipe de l’Âme Bleue et avec l’accord des pêcheurs c’est décidé, nous plongerons demain à la découverte de ces algues. Peut-être nous en cueillerons…

Le lendemain, nous nous levons de bonne heure, nous approchons du site. Nous avons un « Skiddo » (motoneige) et une luge pour acheminer tout notre matériel de plongée. Le spot est à environ 2 km du village, le déplacement est court. Rapidement, nous montons la tente, nous creusons des trous dans la glace. Pour des raisons de sécurité nous faisons deux trous, sous la banquise nous observons un léger courant. John y creuse le premier avec Cédric, Éric et sa femme France le deuxième. Le froid intense, l’onglet fait presque perdre connaissance à France. Mais elle se connaît bien, elle respire, prend son temps et reprend vite ses esprits pour continuer cette journée. Le froid ne pardonne rien, nous prenons cela pour une mise en garde. Soyons prudents et écoutons.

AL6A9150-2Jacques, notre caméraman est prêt. Il s’immerge le premier. Cédric et moi nous le rejoignons vite. Nous sortons de la tente pour vite plonger dans la mer qui fume. En effet, elle est plus chaude que l’air à -30°C ce jour-là. La combinaison humide au contact de l’air gèle presque instantanément. Le froid sans vous prévenir, pénètre votre corps et vous plonge dans une sévère hypothermie. Cela peut-être très dangereux. Chaque seconde compte, il ne faut pas trainer.

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Sous l’eau, c’est un grand spectacle du sable, des roches parsemées sur lequel poussent des « sea weed » les fameuses algues fines et longues, jaune et brunâtres. Sur notre tête un toit bleu-vert au reflet presque violet, nous éclaire. L’eau est limpide, nous voyons l’horizon à perte de vue. Le contraste coloré nous surprend, nous ne nous attendions pas à autant de vie au cœur de l’hiver.

Les Inuits les localisent avec une petite caméra poisson reliée à un écran sur la surface : les techniques modernes se mêlent à la pêche ancestrale.

Ils nous apprennent par cette façon à les reconnaitre car il en existe plusieurs sortes. Avec Cédric, nous en remontons quelques-unes. Ils courent vers le trou et s’exclament de joie comme des enfants. Ils sont heureux et nous sommes ravis de leur faire plaisir.

Notre premier bonheur partagé !

Ils les stockent et nous replongeons traversant la distance qui sépare les deux trous à la recherche de ces fameuses algues.

Jacques relié par un cordon qu’Éric tient fermement depuis la surface, immortalise la scène.

À la fin de sa plongée, il finit par une bonne cueillette. Les pêcheurs sont très heureux et décident de lancer un appel radio pour partager toute cette pêche avec les villageois.

Une solidarité, une entraide perdure chez les Inuits.

Nous sommes fiers de contribuer à cette collaboration, cet échange culturel, cette découverte, ce partage autour des algues avec le respect de chacun. »

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